J’ai découvert par hasard une des premières planches de l’auteur de BD Bruno Racine. Une histoire intitulée « Naissance du PNG » … C’est même signé en bas de page, c’est vous dire… C’est bien la preuve que Bruno Racine est un auteur de BD !
Bruno Racine est né en 1961 à Raon l’Étape (Vosges). À l’âge de quatorze ans, il envoie régulièrement des dessins de presse à L’Est Républicain (tous refusés) et crée le personnage de Rickiboom. En 1978, une carte blanche consacrée à Bracine est annoncée dans Spirou. Elle ne sera finalement pas publiée. En 1981, une histoire de vingt pages où l’on voit Rickiboom partir sur Mars est dessinée pour le fameux fanzine lorrain Le Lorgnon. Malheureusement le numéro est annulé et les planches semblent être perdues. Racine travaille de nombreuses années pour les séries animées Il était une fois la Vie et assimilées. Il continue à développer le personnage de Rickiboom et de nombreux fanzines (et même les Cahiers de la BD) annoncent la parution imminente d’un premier album d’abord chez Novedis puis chez Glénat (Rickiboom devenant pour l’occasion un personnage féminin vivant au XVIIIème siècle) mais l’éditeur fait marche arrière trouvant le personnage « trop intellectuel ».
Le travail de Racine suscite l’intérêt de l’Oubapo dans les années 1990. Racine est présent aux premières réunions qui mèneront à la création de l’Association mais des disputes régulières avec plusieurs des membres fondateurs (il aurait traité Lewis Trondheim)) finissent par l’éloigner du groupe. Il gardera néanmoins quelques contacts puisqu’il est crédité comme figurant dans un projet de film de Marjane Satrapi. Son travail est régulièrement évoqué par des auteurs de la nouvelle génération (pas toujours pour en dire du bien) dans de nombreuses interviews. Un projet de film d’adaptation de Rickiboom est annoncé en 2019 avec Luc Besson à la réalisation. Il serait au point mort.
En 2021, les auteurs se mobilisent pour faire élire Racine Grand Prix de la Ville d’Angoulême. Ce dernier qui travaillerait sur un roman graphique de 500 pages, Rickiboom, souvenir d’hier, n’a toujours pas réagi à cette annonce.
Bruno Racine et moi
Je connais mal Bruno Racine que je n’ai croisé qu’en festival. La mobilisation m’a pris au dépourvu puisque j’avais déjà voté avant d’en prendre connaissance. Il va sans dire que me sentant particulièrement proche de son parcours (surtout en ce moment), je soutiens vigoureusement cette campagne. Et je n’ai d’ailleurs absolument aucun ressentiment à son égard sur les propos qu’il a pu tenir sur mon travail. Il semblerait que Cornélius ait le projet de publier une intégrale des aventures de Rickiboom en 2023.
Correctif
On m’apprend qu’il existe un Bruno Racine conseiller maître à la Cour des comptes qui aurait réalisé un rapport sur l’évolution de la création en France. Il n’y a évidemment aucun lien de parenté avec l’auteur de BD homonyme.
Je n’ai rencontré Bruno Racine qu’une seule fois, il y a bien longtemps, lors d’un festival bd plutôt champêtre dans un petit village des Hautes-Pyrénées.
A l’époque, il venait de lancer un fanzine qui cartonnait bien, dans les Hautes-Pyrénées en particulier : « Je vois pas le rapport ! ». J’aurais bien aimé joindre une ou deux planches à cet article, malheureusement, impossible de mettre la main sur mon exemplaire : il a disparu…
Nous avions sympathisé tout de suite pendant la pause déjeuner du samedi midi, au cours de laquelle, je ne sais pourquoi, nous avions parlé taboulé. Il était tellement passionné par la bande dessinée que, très vite, notre conversation avait dévié sur le taboulé dans la narration séquentielle, sujet duquel il avait tiré, l’après midi même, un formidable scénario au croisement du western moderne, de la science-fiction et du polar noir.
J’ai su par la suite que ce projet très prometteur, à l’humour grinçant et au suspense insoutenable, n’avait malheureusement jamais trouvé d’éditeur.
Bruno à cette époque avait écrit quelques scénarios de bd qu’il signait Lewis Trondarbre, pseudonyme qui a été repris presque à l’identique, en hommage à Bruno, par un dessinateur que nous connaissons tous.
Mais il n’arrivait pas à trouver d’éditeur. Ça le désespérait et il m’avait parlé très sérieusement, lors du repas du soir, au dessert, d’abandonner la bd et de se tourner vers le roman.
Je me souviens avoir pensé que c’était un délire dû à l’abus de rosé de Provence dont nous avaient gentiment abreuvé les organisateurs. Mais non : j’ai compris, quelques temps plus tard, à la sortie de son premier roman « Le gouverneur de Morée », qu’il avait bien abandonné l’idée de devenir l’un des scénaristes incontournables de ce qu’il préférait par dessus tout : la bande dessinée.
Aujourd’hui, l’un des nôtres a été bafoué, il a été muselé !
En effet, lors d’une élection à laquelle nous étions conviés, un grand nombre d’entre nous a été convaincu de voter pour un auteur qui nous a tous bouleversés par la pertinence de sa plume, qui a su mettre en lumière les enjeux cruciaux de toute une profession, et qui nous promettait une lueur d’espoir, même si tous et toutes n’étions pas d’accord avec toutes ses propositions ; il était un panache blanc à suivre, un phare, un pic, un sémaphore, et beaucoup d’entre nous avons voté pour lui.
Vous l’avez toutes et tous reconnu, il s’agit de Bruno Racine.
Et que répond le FIBD, instigateur de cette élection ? Que le vote Racine ne sera pas pris en compte, car il ne serait « pas un auteur de BD » ! Et ce au mépris du souhait de toute une profession que le Festival prétend pourtant soutenir !
Mais qu’est-ce qu’un auteur de BD, si ce n’est un artiste reconnu comme tel par ses pairs ?Ne sommes-nous pas nombreux à avoir lu son fameux rapport sur l’Acte de Création ? Celui-ci n’est-il pas richement illustré de nombreuses courbes et diagrammes comme celui présenté ci-dessous ?
Bruno Racine n’est-il pas l’auteur de livres comportant des images comme « Invention et transgression, le dessin au XXe siècle » ou « Jean Hélion » ? Et qu’est-ce que la bande dessinée sinon un texte accompagné d’images ? Nombreux sont les théoriciens qui se sont risqués à la définir, sans pouvoir en dire plus ! Et ce serait au FIBD de décider maintenant qui est et qui n’est pas un auteur de BD ?
Non, mes ami·es, non !
Signifions bien à ce festival, qui ne vit que par nous, qu’il n’est pas notre maître, mais notre serviteur ! Prouvons lui que ce n’est pas lui qui décide qui est ou qui n’est pas auteur ou autrice de BD !
Prenons la foisonnante bibliographie fictionnelle de Bruno Racine, aux titres évocateurs : « L’île silencieuse », « Adieu à l’Italie », « La voix de ma mère », « Au péril de la mer » ! et tant d’autres ! Dessinons et diffusons des adaptations en une planche, en un strip, des couvertures de BD* ! Montrons au FIBD que ce n’est pas lui qui fait ou défait à sa guise les auteurs de BD ! Dévoilons au monde le merveilleux auteur et le fabuleux scénariste qu’est Bruno Racine !
Ainsi nous pourrons dire :
Bruno Racine bafoué ! Bruno Racine muselé mais… Bruno Racine libéré !